Anglais, américain ou... simplement collie !
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- Catégorie : Généralités
- Publié le 1 mai 2014
- Écrit par Super User
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J'entends souvent opposer le collie américain et collie anglais. Pourtant dans mon esprit il s'agit d'un seul et même chien. Beaucoup d'entre nous qui ont la cinquantaine bien passée, ont vu leurs jeunes années nourries des films Lassie et vont même jusqu'à affirmer que leur passion pour le collie leur vient sans aucun doute de ces films.
Lassie, dont le rôle a été tenue par plusieurs chiens conduits par Mr Rudd Weatherwax, était pourtant un collie "pur américain" et même, avec des caractéristiques bien spécifiques comme la liste blanche sur le chanfrein. Surtout le caractère exceptionnel de ces chiens ont conduit à idéliser une sorte de perfection canine incarnée dans le collie.
Les collies américains sont issus de lignées anglaises et irlandaises importées outre-atlantique sur la fin du XIXème siècle. Sans doute, la sélection opérée par nos amis d'outre-atlantique sur les base d'un standard de race exigeant une taille un peu supérieure à celle du standard FCI ayant court en Europe et en particulier en France, a-t-elle conduit à permettre de reconnaitre à l'expert deux "types" dits "américain" et "anglais". Beaucoup d'éleveurs européens actuels prônent de ne pas permettre le croisement entre les deux types, voire de séparer les collies en deux races distinctes pour préserver la pureté originelle du colley anglais. A l'opposé, de nombreux éleveurs en Europe, conscients qu'un certais nombre de défauts sont de plus en plus observés sur les chiens européens, ont fait le choix d'infuser du sang issu de certaines lignées américaines dans leurs programmes d'élevage pour corriger ces défauts (petite taille, manque d'angulations dans les épaules et les hanches, têtes trop courtes avec des stops hypertrophiés...). De par le passé des éleveurs illustres ont tentés ces apports avec succès.
La sur-utilisation de certains étalons, l'élevage par consanguinité "en ligne", la prépondérance de certaines lignées, présentent des risques non négligeables pour l'avenir de la race à moyen terme :
- émergence un hypertype se renforçant au fils des générations qui fait qu'aujourd'hui certains ne reconnaissent plus le colley en tant que tel.
Les jugements en expositions sont effectués par un nombre restreint de juges souvent spécialisés, issus eux-mêmes du sérail du nombre restreint d'éleveurs. Il s'en suit un effet "vase clos" qui favorise cette évolution.
Le nombre de cynophiles concernés par les expositions est extrèmement restreint et se cultive entre-eux, la notion d'un "type" qui ferait qu'un collie serait plus remarquable qu'un autre par une caractéristique poussée à l'extrème. Ainsi la tête courte actuelle associée à un stop très prononcé et des yeux trop petits est-elle une de ces caractéristiques qui plait. Le collie finit par être jugé sur sa bonne "bouille de nounours" plutôt que dans son ensemble, et, insidieusement, on oublie de remarquer qu'il est panard ou manquant d'épaule; on lui tolère un fouet court, une démarche hésitante... pourvu qu'il ait cette bonne bouille !
Pourtant le collie est, et doit rester, le berger d'Ecosse, fier conducteur de troupeau dont l'anatomie doit servir sa fonction première et ne pas être relégué au rang de chien de compagnie ou de spécimen d'exposition ayant perdu ses sources originelles ! Le colley doit être jugé dans son ensemble et sa tête, certe caractéristique et fondamentale, n'est qu'une partie de cet ensemble.
Les collies "américains" introduits ces dernières années dans les lignées européennes ont été choisi sur des caractéristiques morphologiques et anatomiques visant améliorer les constructions d'ensemble et en privilégiant des sujets dont les têtes, toutefois plus longues, n'étaient pas si éloignées de notre standard FCI (têtes de rapport correct crâne/chanfrein avec un stop présent mais modéré). Les sujets issus ce ces croisements n'ont peut-être pas tous été homogènes dans leur aspect, mais tous ont eu une construction bien améliorée. - augmentation en fréquence des mutations génétiques préjudiciables à la race. Ces anomalies génétiques, le plus souvent à transmission autosomique (non liées au sexe) et récessives (il faut deux copies du gène pour être malade) font que le nombre de chiens porteurs de gène mutés augmente. La mise à disposition de tests permettant de connaître très simplement si un chien est indemne, porteur ou atteint de la mutation devrait permettre de freiner la progression des ces" bombes à retardement" génétiques. La FCI, la plus haute instance cynophile mondiale, recommande la pratique de ces tests dans la sélection de reproduction, malheureusement trop peu d'éleveursles réalisent et surtout communiquent le statut génétique de leurs chiens.
Il ne faut certe pas se priver de l'utilisation en reproduction d'un sujet aux belles qualités morphologiques sous prétexte qu'il soit atteint ou porteur de la mutation, mais choisir de l'apparier avec un sujet indemne génétiquement. Quelques années d'application de cette pratique permettrait de faire reculer la fréquence des sujets atteints.
Les sujets américains utilisés ont permis d'apporter en particulier, des génes non mutés pour l'anomalie de l'oeil du colley qui touche génétiquement certainement plus de 90% des sujets européens. - appauvrissement de la diversité génétique pouvant conduire à une raréfaction des différents gènes dans la race. Cela conduit à un syndrome de dépression de l'immunité qui associe une moindre fertilité (moins d'accouplements productifs) et une moindre fécondité (diminution du nombre de chiots dans une portée), mais aussi une diminution de taille, une plus grande féquence de certaines cancers. Pratiquer l'élevage en privilégiant l'out-crossing c'est à dire une très faible consanguinité dans les mariages est la garantie à long terme d'un cheptel en bonne santé. Sans doute est-il plus difficile par cette pratique de sélectionner des chiens d'une beauté exceptionnelle car les portées comportent alors des chiots aux caractéristiques moins homogènes et seul un ou deux sortiront du lot en terme de beauté. Alors que la pratique de l'inbreeding -ou du line-breeding, ce qui n'est guère différent- facilite la production de portées très homogènes ressemblant de près aux ascendants.
La notion de race, sur le plan génétique, n'existe pas vraiment ! La sélection progressive de morphotypes de chiens résulte de l'assemblage de certains gènes dans le patrimoine génétique. Les collies américains ou européens ont un patrimoine génétique commun qui remonte aux collies fondateurs et aux sujets du XIXème siècle exportés outre-atlantique. Brasser à nouveau ces gènes, c'est étendre le patrimoine génétique et retrouver une sorte d'équilibre moyen qui a existé et qui s'est amenuisé depuis 30 à 40 ans. Nous pensons qu'il est souhaitable de garder cette diversité génétique, fut-ce au prix de produire des chiens moins "à la mode" ou moins appréciés sur les rings de beauté... encore que rien n'est figé !